La ZAC Castellane, quartier durable exemplaire aux portes des Dombes

23.03.2020

Interview de Pierre Abadie, maire de Sathonay-Camp

En trois mandats, Pierre Abadie, maire de Sathonay Camp, a réussi à mettre sur pied ce quartier exemplaire en matière de développement durable et d’adaptation aux changements climatiques qu’il présente :

Quelle a été la genèse de ce quartier durable ?

Dès 2006, nous avons souhaité réaliser un quartier « développement durable ». Nous nous sommes inspirés de l’expérience de Fribourg-en-Brisgau, pionnière en la matière. L’agglomération allemande avait d’ailleurs transformé une base militaire désaffectée en écoquartier. Nous nous sommes rendus sur place et avons retenu certaines idées innovantes.

Aujourd’hui sortie de terre, en quoi la ZAC Castellane est-elle un quartier durable ?

De notre expédition allemande, nous avons gardé l’idée de développer les modes de transport doux. Pour les piétons, nous avons créé de larges trottoirs et de vastes espaces. Nous avons installé des arceaux à vélo, des pistes cyclables, des bornes VéloV’. Point positif, nous disposions déjà de transports en commun performants. En train, Sathonay-Camp n’est qu’à 8 minutes de Lyon Part-Dieu.

Sur la ZAC, nous avons privilégié la création d’ambiances végétales. Nous voulions éviter de créer une ville minérale. Sur l’ensemble de l’architecture, nous avons des toitures végétalisées ; pour l’écoulement des eaux pluviales, des noues paysagères sillonnent le quartier ; des arbres d’essences locales, ont été plantés ; et nous avons créé une grande lame d’eau, circulant dans le quartier, visant à le rafraîchir au cœur de l’été.

Les bâtiments sont tous conçus pour favoriser les économies d’énergie. De ce fait, ils sont plus compacts. L’avantage de ces bâtiments, fonctionnant par îlots, c’est qu’il y a des espaces verts à l’intérieur. Les familles vivent dans ces îlots. Cela crée une ambiance agréable entre voisins.

Le réseau de chaleur est un aspect important de notre quartier durable. En tant que président du syndicat des énergies, j’ai eu la chance de pouvoir mettre en place ce réseau de chaleur alimenté par des chaudières bois. C’était une idée très nouvelle en 2010, ce n’était pas aussi reconnu qu’aujourd’hui.

Quels sont les « retours sur expérience » des habitants de la ZAC Castellane ?

Ils sont positifs. Les habitants trouvent ici de multiples avantages : des transports en commun pratiques, un superbe espace préservé, les Dombes toutes proches, un cadre de vie durable, pourvu de nombreux espaces verts et favorisant la mixité sociale.

Il y a un point négatif mais il sera gommé dès cette année : le coût du réseau de chaleur. Pour sa mise en œuvre, de lourds investissements avaient été déployés et cela impliquait un coût plus élevé. La métropole de Lyon ayant repris la compétence « réseaux de chaleur », le coût de la chaleur à Sathonay-Camp va baisser de 38%, à compter de septembre 2020.

Reconnu « Quartier durable » par le concours CESBA MED, comment votre quartier peut-il être un exemple pour d'autres quartiers ?

Parmi les éléments qui pourraient inspirer d’autres communes, nous allons créer au printemps 2020 un arboretum. Des arbres issus de nos régions y seront plantés. L’idée sous-jacente, c’est d’inciter nos habitants à privilégier des essences locales pour leurs jardins. Ils pourront se renseigner sur place, comparer la taille, le port, l’évolution des différents types d’arbres. En privilégiant les essences de nos régions, on réduit du même coup l’empreinte carbone.

Nous avons aussi été parmi les premiers à recycler les matériaux lors de la construction du quartier. Dans la ZAC, les matériaux de l’ancien camp militaire ont été déstructurés, séparés et réutilisés sur place. Nous avons ainsi réalisé des économies sur les matériaux, évité des déplacements et généré un meilleur bilan carbone.

Autre aspect inspirant, c’est la réussite de la mixité sociale. Un quartier durable a aussi une vocation « d’écologie sociale ». La ZAC Castellane favorise le « mieux vivre ensemble » et génère d’ailleurs de nombreuses initiatives citoyennes : la mise en place de systèmes de compostage, des silos enterrés pour le verre…

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la mise en œuvre du projet ?

Une difficulté majeure, c’est le temps de décalage entre le moment où le dossier est à l’étude et sa réalisation concrète. Des études aux appels d’offres, en passant par le choix de l’aménageur et par les travaux, il aura fallu deux mandats et demi, c’est-à-dire 15 ans. La ZAC Castellane est un projet réussi parce que nous avons eu ce temps. Ce n’est pas simple à gérer car en 10 ans, la société, les mœurs et les techniques évoluent. Il s’agit bien entendu de s’y adapter. On appelle cela la « mutabilité ». Ainsi en début de projet, il n’y avait pas l’essor du vélo que nous connaissons à présent. Nous en avons tenu compte en aménageant plus de pistes cyclables.

Quels ont été les facteurs de réussite ?

Notre capacité à nous adapter aux changements justement, cette « mutabilité ». Le temps a été un atout car nous avons pu avancer étape par étape. Les nombreuses concertations, permettant d’exposer le projet aux citoyens et de recueillir leurs idées, ont été un facteur essentiel. Enfin, la maîtrise du foncier s’est avérée cruciale. En créant cette ZAC, nous avons évité une explosion du coût du foncier sur cette zone, en plein centre-bourg.

Comment la collectivité territoriale, l'aménageur voire d'autres acteurs comme l'ALEC ont-ils travaillé ensemble pour définir et mettre en œuvre le projet ?

Nous avons été accompagnés par la SERL, aménageur de la ZAC, des diagnostics aux travaux. Nous avons aussi travaillé avec l’ALEC sur la mise en place du réseau de chaleur. Nous avons également travaillé avec l’ADEME, le SIGERLY, etc. Ce projet a mobilisé de nombreux acteurs aux côtés de notre commune et de la métropole lyonnaise.

Comment l'adaptation au changement climatique a-t-elle été prise en compte dans le projet ?

Nous avons privilégié la plantation d’arbres, d’essences locales peu gourmandes en eau, pour ombrager les lieux. Nous avons construit les bâtiments en hauteur pour éviter l’étalement urbain. Cela nous permet de disposer de 50% d’espaces verts sur toute la superficie. La majorité des ZAC ont entre 25% à 30% d’espaces verts. Enfin, L’eau joue un rôle important dans l’adaptation au changement climatique. La lame d’eau, recyclée en permanence, traverse la ZAC Castellane. En été, elle rafraîchit le quartier et réduit le phénomène d’îlot de chaleur.

Quels sont les bénéfices du Prix Quartier durable reçu dans le cadre du projet européen CESBA MED ?

Nous sommes fiers du travail accompli. Tout d’abord, cela prouve que nous ne nous sommes pas trompés, que ce que nous avons réalisé est conforme à l’idée qu’on peut se faire d’un nouveau quartier. Le résultat c’est que les gens sont ravis d’habiter là. Et de surcroît, cela nous apporte une notoriété. Des maires de communes importantes comme Annecy, sont venus nous voir. La SERL a récemment amené une délégation italienne. Ces personnes viennent s’inspirer de nos idées, comme nous l’avions fait à Fribourg.

 

(propos recuillis par Charlotte Tortat, journaliste indépendante)